Témoignages de femmes émancipées:
Ako, vendeuse ambulante de Tofu
Immédiatement après avoir changé d’environnement,
je me suis rendu compte que mes défauts étaient en fait mes mérites.
Comment est-ce que vous présenteriez ?
Je suis née en 1981 et j’ai commencé à vendre du tofu avec une charrette à bras à l’âge de 22 ans. Cela fait donc 15 ans que je fais ce travail.
Quand j’étais au cours moyen j’ai souffert de nombreuses brimades. On se moquait de ma voix, de ma façon de parler et de la façon dont je m’habillais. On disait que j’étais maniérée.
Je n’avais pas du tout envie d’aller à l’école.
J’aurais voulu parler à mes parents mais je ne savais pas comment leur expliquer. En fait, au lieu de leur parler, je m’en suis prise à eux comme si c’était eux les responsables. Et pourtant, je crois qu’il se faisaient beaucoup de souci pour moi.
C’était très difficile pour moi d’aller ainsi chaque jour dans cet endroit où on allait me torturer. Je ne voulais pas y aller mais je n’avais pas le choix, mes parents m’y obligeaient.
Du coup, je me suis peu à peu retirée en moi-même et j’évitais même de croiser le regard des gens. Mais au fond de moi-même je gardais l’espoir qu’un jour je pourrai vivre telle que j’étais.
Qu’un jour je ferai quelque chose que personne d’autre ne serait capable de faire.
Quel a été votre parcours et à quoi vous intéressez-vous actuellement ?
Après toutes ces aventures, je voulais trouver un métier où je pourrais être moi-même. Comme j’avais une voix particulière j’ai d’abord pensé à faire du doublage, puis comme j’adorais la mode, à devenir modéliste. Mais rien de tout ça n’a marché.
Il me fallait trouver une occupation qui me corresponde et qui me passionne.
Je n’arrivais pas à trouver le juste milieu entre l’emploi idéal et ce que j’étais réellement.
Je cherchais inlassablement ce qui pourrait bien me correspondre en épluchant les offres d’emploi.
C’est à l’âge de 23 ans que j’ai trouvé la réponse.
Un jour que je lisais les offres d’emploi dans un journal publicitaire, je suis tombée sur une annonce qui disait : « Recrute personnel sans qualification particulière mais possédant un grand enthousiasme ». « Devenez vendeur ambulant, un métier aux mille contacts humains. »
C’était exactement ce que je cherchais !
Au début, j’hésitais à interpeller les gens par timidité mais ma façon de travailler, avec la charrette à bras pour vendre le tofu, a maintenant presque disparu, mais elle rappelle le bon vieux temps aux anciens et je les ai souvent entendus me dire « tu as bien du courage » ou « je t’admire ».
Quand j’ai commencé, ce que je voulais surtout c’était vendre, vendre toujours plus. Puis je me suis rendue compte que je leur apportais aussi du bonheur et que c’était très important.
Quand je fais ma tournée, je sais que mes clients m’attendent. Aujourd’hui, je suis très fière de mon travail qui me permet d’apporter du bonheur aux autres et aussi de m’accomplir pleinement.
Votre emploi du temps quotidien ressemble à quoi ?
Je travaille 5 jours par semaine et je me repose le mercredi et le dimanche. Je commence aux alentours de midi et je vends mon tofu jusqu’à 19 heures. Qu’il pleuve ou qu’il vente, je fais chaque jour le même itinéraire et je visite chacun de mes chers clients.
Qu’est-ce qui vous procure de la satisfaction dans votre travail ou vos activités ? Qu’est-ce qui vous a semblé le plus difficile ou vous a demandé le plus d’effort dans votre carrière ?
Je me suis souvent demandée pourquoi, moi qui n’arrivais pas à trouver un travail où je puisse m’accomplir, j’ai réussi à satisfaire mon ambition dans la vente ambulante de tofu.
Je crois que ce que je cherchais, c’était d’établir des rapports humains.
Il arrive souvent qu’une grand-mère m’invite à manger une glace avec elle en été ou qu’un grand-père me propose une chaufferette en hiver quand il fait très froid.
Je ne fais pas que vendre du tofu en tirant ma charrette, car ce métier me permet de rencontrer des gens et d’avoir des échanges chaleureux avec eux. Ils sont devenus une vraie famille pour moi. Et les rapports que j’ai avec eux sont très importants pour moi.
Dans un moment de complète détente où vous pouvez vous exprimer librement sans aucune contrainte, qu’est-ce que vous faites ?
J’aime bavarder avec les gens, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes et quel que soit leur âge. J’aime les écouter raconter leurs souvenirs. Et quand on est face-à-face, je suis bien.
C’est un moment sans importance, mais c’est un moment précieux. Quand j’entends un de mes clients me dire « J’avais déjà 60 ans quand on est devenu amis et ça m’a rendue heureuse », ou bien « Quand j’aurai 70 ans on ira faire de longues promenades pour regarder les oiseaux. » ça me rend heureuse et j’ai envie de parler encore avec eux. Ces moments là sont vraiment des moments précieux.
Si vous deviez choisir une devise ou une façon d’être dans votre travail, qu’est-ce vous diriez ?
Toujours sourire. Quant à moi, quelle que soit la situation, j’essaie d’être positive. Grâce aux gens que je rencontre dans mon travail, j’apprends à me contenter plus facilement de ce que j’ai. Une fois que je bavardais avec la grand-mère dont je parlais tout à l’heure, celle-ci m’a dit : « On est bien heureux aujourd’hui. Quand j’étais enfant, on était souvent obligés de passer des heures dans des abris antiaériens puants où il faisait froid et où on avait peu à manger. On y dormait même, et mal car on était angoissé par l’attente des bombardements. Mais aujourd’hui il n’y a plus de bombardements et, à la maison, il y a un lit bien chaud qui nous attend. C’est un vrai bonheur. » Moi j’ai toujours considéré ces choses-là comme normales. Mais après le grand tremblement de terre, c’est vrai qu’on avait des problèmes pour dormir. Grâce à cette grand-mère j’ai appris à apprécier ce que j’ai et à m’efforcer de penser positivement.
À votre avis, qu’est-ce que les femmes japonaises devraient faire pour prendre une part plus active dans la société ?
Ma voix, ma façon de parler et mon caractère insouciant me paraissaient des défauts, mais quand mon environnement a changé, tout a changé. On me dit que j’ai une jolie voix et j’ai découvert que mon insouciance m’a donné une plus grande ouverture d’esprit : avant je n’aimais pas parler avec les gens, maintenant j’adore leur conversation.
Je me demande si c’est pour cela que les gens attendent mon passage.
Quand j’étais jeune je me tourmentais en pensant que je n’avais que des défauts. Immédiatement après avoir changé d’environnement, je me suis rendue compte que mes défauts étaient en fait mes mérites. À ceux qui ont des problèmes, je conseillerais de changer d’environnement ou de point de vue et de voir si leur vie change également et si elle change pour le mieux.
Comment voyez-vous votre futur ?
J’ai un autre projet qui me tient beaucoup à cœur. Il s’agit de donner une autre conférence. Je voudrais y consacrer encore plus d’énergie, même si je suis très occupée avec mon travail, et en particulier parler du problème du harcèlement chez les enfants. Je n’aurais pas crû que je serais ainsi tourmentée par tous ces complexes à mon âge. J’aurais aimé ne plus avoir à y penser et laisser tout cela derrière moi. J’ai donné une conférence en 2016 qui m’a permis d’explorer un peu plus avant ce que je savais de moi-même. Cette conférence m’a d’ailleurs valu un prix. J’aimerais aujourd’hui me servir de ce que j’ai appris sur moi pour en faire profiter les autres. Et si cela pouvait aider quelqu’un ou lui rendre courage, j’en serais très heureuse. J’aimerais aussi pouvoir m’adresser aux enfants et leur faire savoir, avec mes propres mots tout ce que les anciens et les anciennes me racontent.
Qu’est-ce que vous pensez du thé JANAT et pour finir, quel serait votre message ou votre conseil aux femmes japonaises ?
Ce thé, avec son parfum et son goût délicat est un vrai moment de détente.
J’aime bien en boire une tasse quand je me sens fatiguée après une dure journée ou pendant une pause.
Aux femmes japonaises j’aimerais dire qu’elles sont belles telles qu’elles sont et qu’il ne leur est pas nécessaire d’essayer de changer. Il n’est pas nécessaire de se débarrasser de ses complexes. Vous êtes parfaites comme vous êtes.